BIOGRAPHIE

Hervé Cras, également connu sous les pseudonymes de Jacques Mordal et Pierre Mardyck, est né à Evreux le 7 août 1910 et mort à Saint-Mandé (94) le 2 novembre 1980.

Les Bretons et la famille prononcent le "s" de Cras, mot breton orthographié également Kras (dictionnaire Favreau) signifiant sec, croustillant (le pain : bara cras), fauché (les blés)… 

Fils du médecin général Charles Cras et neveu du contre-amiral Jean Cras (compositeur de musique et inventeur de la règle de navigation qui porte ce nom), Hervé Cras entre à l’Ecole de Santé Navale de Bordeaux le 25 octobre 1928, dont il sort en décembre 1933 médecin de 2e classe. 

Il effectue 6 mois d’école d’application à Toulon en 1933, puis y sert sur le cuirassé La Lorraine et sur les avisos Quentin-Roosevelt et Ailette.  

 

 

Il est nommé à Cherbourg en octobre 1935 où il sert en tant que médecin de 1ère classe (équivalant au grade de capitaine de corvette) sur les contre-torpilleurs L'Audacieux et Le Terrible.

Réaffecté à Brest en juin 1939, il sert sur les bâtiments de ligne Dunkerque et Strasbourg

En avril 1940, il est médecin sur le contre-torpilleur Jaguar

copyright : Marius Bar

Le 21 mai[1], le Jaguar quitte Brest pour une « mission urgente » et fait escale à Cherbourg pour en découvrir la raison : porter secours aux troupes franco-britanniques encerclées à Dunkerque. Parti le 22, le Jaguar est d’abord mitraillé par un bombardier allemand après avoir passé Boulogne, puis ralenti en raison des champs de mines. Il finit par couler, le 23 mai, après avoir été torpillé à 0h45 en face de Dunkerque par une vedette allemande (Schnell Boot S3 du Lieutenant Christiansen). Durant ce naufrage, Hervé Cras sauve son infirmier du bord, qui hélas ne survivra pas à ses blessures. 

Son courage et son comportement lui valent une citation de l’armée de mer et la croix de guerre avec palme. Les survivants seront récupérés par le patrouilleur Monique Camille. Il sera fait chevalier de la Légion d'honneur à la fin de la même année. 

Transporté à Dunkerque, il coule une deuxième fois le 4 juin à bord de l’Emile-Deschamps qui l’évacuait vers l’Angleterre avec une partie des rescapés du Jaguar, et qui explose à l’embouchure de la Tamise sur une mine magnétique. Grièvement blessé, avec une double fracture de la colonne vertébrale, il est hospitalisé à Londres pendant 4 jours avant de rentrer en France le 9 juin pour se faire soigner à Brest. 

Réaffecté à Toulon, il est apte de nouveau à embarquer fin 1940 et sert sur le contre-torpilleur Albatros. Il effectue une mission de 4 mois à Oran jusqu’à fin 1941, puis travaille à l'Hôpital Sainte-Anne de Toulon avant d’être nommé à Vichy en avril 1942 pour assurer le secrétariat particulier de l’amiral Auphan jusqu’à fin 1942.

Médecin de l'inscription maritime à Dieppe (janvier 1943), médecin principal (octobre 1943), il donne aux Alliés des renseignements importants et participe à la libération du secteur militaire de Dunkerque en 1945, ce qui lui vaut une nouvelle citation ainsi que la Croix de Guerre avec Etoile de bronze. Il termine la guerre auprès des fusiliers marins au secteur maritime de Dunkerque.

Adjoint au chef du Service de santé des gens de mer en septembre 1945, il sert en Indochine à bord du porte-avions lArromanches entre 1948 et 1950.

Médecin en chef de 2e classe (janvier 1951), il est affecté au Service historique de la marine à Paris de 1953 à 1965 en tant que Chef de la section « Etudes ».

Il est promu médecin en chef de 1re classe en juillet 1957. Il sert encore sur le porte-avions Bois-Belleau en 1957 et sur l’aviso Commandant Bourdais en 1963 avant de quitter le service actif en 1969 pour devenir chef du Service « Etudes » du Musée de la Marine.

Auteur d’une quarantaine d’ouvrages et d’une centaine d’articles dont la grande majorité sous le nom de Jacques Mordal (sauf mention contraire), Hervé Cras est un historien de réputation internationale apprécié pour la sûreté des informations qu’il puise aux meilleurs sources, sa grande objectivité et son style très vivant. L'Académie française lui remet le prix Général-Muteau (1949) pour La bataille de Dunkerque, le prix Albéric-Rocheron (1953) pour La bataille de Casablanca, et le grand prix Gobert (1959) pour La Marine française pendant la Seconde Guerre mondiale. Il reçoit aussi le grand prix de l'Académie de Marine, et devient membre de l'Institut d'études stratégiques de Londres et de l'Académie de marine allemande.

On lui doit en outre de nombreux articles publiés, entre autres, dans la Revue des Deux Mondes, la Revue maritime, la Revue Défense nationale, la Revue historique des armées ou encore dans les Écrits de Paris, ainsi que de nombreuses préfaces et de nombreuses participations à des ouvrages collectifs.

Il est aussi le traducteur, entre autres, des Carnets secrets du général Patton (1975), de La Guerre sans haine d'Erwin Rommel (2 vol., 1952-1953), du Hitler chef de guerre de Gert Buchheit (1961) ou encore de Le téléphone rouge ne répond pas de Peter George (1966).

 

Sous le nom de Pierre Mardyck, Hervé Cras a également publié des articles d’opinion dans des journaux nationalistes comme Aspects de la France et Rivarol.

Il est mort à l’hôpital de Saint-Mandé en 1980 sans avoir eu le temps de finaliser un gros ouvrage sur l’Amiral Darlan.

Il est enterré au cimetière d’Ouville-La-Rivière en Seine-Maritime.



[1] Voir « Ceux du Jaguar » d’Hervé Cras, et « Médecins au combat » de Marc Flament, Paris, Pygmalion, 1986 p.13-16.